Quelles sont les conséquences de la politique de l’enfant unique sur l’équilibre démographique en Chine ?
Les réponses à cette question ont été élaborées lors d'un travail de recherche en géographie humaine.
Introduction
La Chine, auparavant appelée Chine populaire, est un pays situé en Asie de l’Est, dont la superficie est de 9.6 millions de kilomètres carrés. Connue pour sa population avoisinant les 1.4 milliard d’habitants , elle représente à elle-même un sixième de la population mondiale. De cette forte concentration humaine regroupée en un seul pays découlent diverses problématiques liées à la surpopulation dans les villes ou à la difficulté de peupler certaines zones arides plus reculées. En 1979, afin de freiner l’évolution exponentielle du taux annuel moyen d’accroissement démographique de la Chine, Deng Xiaoping, alors à la tête du gouvernement chinois, instaure la politique de l’enfant unique. Désormais, les familles ont le droit de donner naissance à un seul enfant. Si ces dernières enfreignent cette règle, elles se voient imposer des sanctions autoritaires immédiates, telles que la suppression d’une assurance médicale, voire l’interdiction de tout privilège scolaire pour leurs enfants. La mise en vigueur de cette nouvelle politique a des conséquences sur l’ensemble du pays. Tant au niveau culturel que sociétal, ce sont des générations entières qui doivent désormais faire face à un nouveau mode de vie. Par conséquent, une majorité des couples chinois souhaite à tout prix donner naissance à un enfant de sexe masculin, afin d’assurer la pérennité de leur patrimoine et la sérénité de leur retraite.
Nous nous demandons alors quelles sont les conséquences de cette politique de l’enfant unique sur l’équilibre démographique en Chine. Nous débuterons cette argumentation par l’étude des migrations qui sont survenues suite à l’instauration de cette politique, pour ensuite démontrer que de celle-ci découle d’un vieillissement de la population. Enfin, nous nous pencherons sur le comportement des hommes face au manque de femmes dans le pays.
Argument 1
Une première composante est à prendre en compte dans l’analyse des mouvements démographiques urbano-ruraux en Chine : l’intérêt économique que représentent les villes industrialisées sur les campagnes. En effet, les villes attirent les jeunes Chinois en masse, de par les conditions salariales et l’idéal de réussite sociale qu’elles semblent offrir (Attané, 2000).
L’effet se fait ressentir sur la composition par tranches d’âges en zones rurales, dans le sens où cela engendre un vieillissement démographique considérable, la population ayant peine à se renouveler. Un phénomène vient donner encore plus d’ampleur à cette tendance migratoire : la valorisation de la main-d’œuvre féminine dans les domaines industriels. Par opposition, on remarque que la force de travail masculine est plus recherchée en zones rurales, les travaux agricoles nécessitant pour la plupart de considérables efforts physiques. C’est là qu’intervient une distinction genrée dans ce phénomène migratoire, car la société chinoise actuelle pousse doublement la femme rurale à migrer vers les agglomérations urbaines. Premièrement, elle nourrit l’espoir d’épouser un homme à la condition socio-économique plus élevée que celle de ses pairs vivant en milieu rural. Ensuite, l’opportunité de trouver une place de travail convenablement rémunérée s’avère plus grande en zone urbaine (Attané, 2000). Ces facteurs motivationnels poussent les femmes à l’exode rural et induisent une migration des hommes qui, à leur tour, faute de femmes en zones rurales, partent travailler dans les régions urbanisées afin de trouver une compagne à ramener avec eux.
Ainsi, «les flux migratoires des paysans, des jeunes en particulier, vers les grandes agglomérations ne cessent donc de croitre. L'isolement de ces jeunes migrants, pour la plupart cé1ibataires ou migrant sans leur famille, retarde nécessairement la survenue des naissances » (Attané, 2000 : 251). En ressort du bilan des conséquences de ces différents facteurs des flux migratoires engendrant un dépeuplement des zones rurales, les Chinois ruraux abandonnant la campagne à la faveur des villes.
Argument 2
Une deuxième composante à prendre en compte est que la politique de l’enfant unique limite le nombre d’enfant à un par famille. De ce fait, afin de ne pas déroger à ce commandement, certains parents préfèrent tuer leurs enfants illégaux plutôt que de payer de très lourdes taxes. A choisir, les familles préfèrent un fils à une fille.
Les raisons sont en général économiques, car un fils représente une aide financière considérable – culturelles, car l’homme pérennise la famille, alors que la fille quitte la sienne pour intégrer celle de son mari – ou sociales, car l’homme est perçu comme étant supérieur à la femme (Attané, 2002). Pour ces raisons-là, les populations chinoises ont recours à diverses méthodes d’infanticides afin de s’assurer que leur seul enfant soit un garçon. Notons que l’accès à l’échographie n’a fait qu’amplifier le problème (Loizeau et Marant, 2006).
Toutefois ces pratiques ne vont pas sans conséquences. En effet, elles impliquent à terme un taux disproportionné de population par âge et par genre. La politique de l’enfant unique vise à contenir l’expansion démographique chinoise, or les conséquences qui s’en suivent n’ont que transformé ce problème. En effet, « en l’espace de seize années (1982-1998), le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus a augmenté de plus de 60%, passant de 76.6 à 124.4 millions. » (Attané, 2000 : 254). Cela implique une vive inquiétude de la part des personnes âgées, car à part la famille, aucune structure n’est mise en place pour subvenir à leurs besoins en situation de retraite. De plus, les infrastructures financières, sociales et sanitaires chinoises ne sont pas préparées à un tel changement démographique (Attané, 2002).
Tant dans la campagne que dans la ville, un déséquilibre démographique se forme et pousse à une inversion de la pyramide des âges. En effet, l’infanticide implique un sous-pourcentage de naissances qui mène à un vieillissement de la population. En conclusion, on constate qu’en voulant faire face à un problème démographique, la Chine en a créé d’autres, d’une part la pratique de l’infanticide genré, d’autre part le vieillissement de la population.
Argument 3
La dernière composante à prendre en compte résulte des deux axes précédents : la politique de l’enfant unique a pour conséquence à moyen terme un manque de femmes généralisé dans le pays. De ce fait, les hommes subissent une pression sociétale et familiale qui les poussent à trouver une femme par tous les moyens. Afin d’y remédier, les hommes se rendent dans les pays limitrophes pour importer des femmes, ou alors ils en enlèvent dans leur propre région.
En effet, comme soulevé précédemment, la plupart des femmes nées dans les milieux ruraux ont migré vers les villes, là où elles trouveront un mari plus riche et une vie plus prospère. De ce fait, les hommes vivant dans les campagnes subissent une pression, car leurs parents souhaitent qu’ils se marient rapidement et aient une descendance qui assurera la retraite des plus anciens. Se voyant dans l’impasse, une partie des paysans se résigne alors à se rendre à l’étranger, notamment au Laos, au Vietnam ou en Indonésie, pour y acheter leur future épouse. En résulte la formation d’un trafic de femmes entre les pays (Arte, 2016).
Alors que certains importent leurs femmes depuis l’étranger, d’autres vont au-delà de l’éthique de la société et enlèvent une femme pour la garder prisonnière dans les endroits reculés du pays. Ainsi, une femme déjà mariée, voire mère, peut devenir celle d’un autre. Un homme qui a perdu sa moitié mettra alors tout en œuvre pour la retrouver. En conséquence, un mouvement de solidarité se forme. Les taxis s’engagent à distribuer des jeux de cartes recensant les femmes portées disparues, dans l’espoir qu’elles soient reconnues et rendues à leur premier mari (Arte, 2016).
En résumé, la pression de se marier exercée sur les hommes les pousse à avoir des comportements immoraux, comme enlever une femme ou en acheter une à l’étranger, ce qui donne lieu à un vaste réseau de trafic humain.
Conclusion
Pour conclure, l’instauration de la politique de l’enfant unique en 1979 avait pour but d’éviter la surpopulation du pays. Cependant, des conséquences indésirables s’ensuivent. D’une part, des migrations ont eu lieu au sein du pays et ont bouleversé la répartition équilibrée des genres dans les différentes zones du pays. D’autre part, en réduisant le nombre de naissances, le pays finit par se retrouver face à un vieillissement de sa population et à des inquiétudes quant à la retraite, sans compter l’apparition de l’infanticide des filles. Pour terminer, à défaut de femmes, les hommes sont prêts à tout pour faire face à leur célibat. Certains importent des femmes depuis l’étranger, alors que d’autres les enlèvent.
La Chine a réussi à baisser son taux de natalité afin de ralentir la croissance démographique, mais à quel prix ? Nous avons relevé ici les conséquences actuelles de ce thème, mais qu’adviendra-t-il de la population chinoise d’ici 100 ans ? La politique de l’enfant unique a été revue en 2015 et les couples mariés ont désormais droit à deux enfants. Le peuple chinois va-t-il revenir sur sa position et prendre conscience de l’importance des femmes dans la société ?
Bibliographie
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Attané, I. (2002). La Chine au seuil du XXIe siècle : questions de population, questions de société. Institut National d’Etudes démographique.
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